La nomination de Yawa Kouigan à la tête du département de la communication, par le président Faure Gnassingbé, fait de cette dame, la première maire en fonction au Togo, à se voir confier un portefeuille ministériel. Ce qui n’est pas sans susciter des débats de clochards au sein d’une opinion mal avisée des réalités politico-administratives où on fait cas d’une quelconque incompatibilité des deux postes qu’elle occupe désormais.
En effet, avant sa nomination, le nouveau ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, était le maire de la Commune Ogou 1 et présidente de la Faitière des Communes du Togo (FCT). Pour parler d’incompatibilité au non, il faut interroger les textes en vigueur.
Selon l’article 76 de la constitution togolaise de 1992 : « les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et tout emploi privé ou public, civil ou militaire ou de toute autre activité professionnelle». Pour ce qui est du chapitre « DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE LA CHEFFERIE TRADITIONNELLE », il reste muet sur la question.
Quant à la loi n°2019‐006 du 26 juin 2019 portant modification de la loi n°2007‐011 du 13 mars 2007 relative à la décentralisation et aux libertés locales modifiée par la loi n°2018‐ 003 du 31 janvier 2018 elle n’évoque que les cas où la fonction de maire prend fin notamment en son article 131 qui stipule « En cours de mandat, les fonctions du maire prennent fin dans les cas suivants : inéligibilités dissimulées au moment de l’élection ; acquisition d’une qualité entraînant l’une ou l’autre des incompatibilités prévues par les textes en vigueur ; démission; destitution; révocation ; décès. ».
Comme on peut le constater juridiquement, aucun texte ne prévoit la démission ou la révocation d’un maire suite à sa nomination au gouvernement. La ministre de la communication et des médias, porte-parole du gouvernement, Yawa Kouigan n’a aucune contrainte légale à exercer ces deux fonctions.
Toutefois, elle peut démissionner de la mairie si le parti sous la bannière duquel elle a été élue, le lui demande. Et ce sera pour des raisons strictement politiques. Mais au Togo où le président Faure Gnassingbé, fait de la promotion du genre, son cheval de bataille, ce cas de figure est difficile à envisager. Mme Yawa Kouigan doit cumuler son nouveau poste nominatif avec son poste électif pour montrer à l’opinion internationale surtout, de quoi la femme togolaise est capable, une fois qu’on lui fait confiance. Le Togo ne sera pas le premier pays à connaitre ce cas.
En Côte d’Ivoire on rencontre des ministres sont également maires. L’exemple de Nasseneba Touré Diané, ministre de la Femme, la Famille et de l’Enfant, première femme maire d’Odienné, Commune au nord-ouest de la Côte d’Ivoire, en est assez illustratif. Ce cumul de postes n’a nullement d’ailleurs empêché cette ivoirienne de rempiler pour un troisième mandat à la tête de sa commune le 16 septembre 2023.
En France, d’après nos informations, la situation est quelque peu nuancée. Les lois de février 2014 interdisent aux sénateurs et aux députés nationaux et européens de cumuler leurs mandats avec ceux de maires. Mais en aucun cas le non-cumul d’une fonction de ministre avec celle de maire ou de président d’un exécutif local ne saurait être une obligation légale. A titre d’illustration, le cas de Christophe Béchu, à la tête de la ville d’Angers depuis 2014, est souvent évoqué. Après sa nomination comme ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, ce dernier a cédé sa place à Jean-Marc Verchère sans que la loi l’y oblige. Il reste néanmoins premier adjoint. L’autre cas, est celui du maire de Tourcoing, Gérald Darmanin également ministre de l’Action et des Comptes publics. Ce dernier, conserve les deux fonctions avec l’aval de l’Elysée. Plus tard, il laissera la place de maire à Doriane Bécue mais reste toutefois, conseiller municipal délégué à l’attractivité de la ville.
Au regard de ce qui précède, demander la démission du nouveau ministre de la communication et Porte-parole du gouvernement, de la tête de la commune Ogou 1 serait la pire des bêtises. Partout où cette dame passe, elle impressionne par son travail bien fait, sa culture de l’excellence et sa propension d’assumer avec brio, la mission à elle dévolue. Contraindre cette dame à une telle démission, reviendrait à tuer en elle toute sa détermination et son dynamisme pour apporter sa contribution à l’édification de la nation. Au Togo où la simple participation des femmes à la vie politique relève d’un challenge et où on dénombre seulement 12 femmes sur les 117 personnes à la tête des mairies, un tel cas de figure plomberait irrémédiablement la politique de promotion du genre initiée par le président Faure Gnassingbé et applaudie par tous.
Gilles OBLASSE


